Mali ko, un chant d’espoir pour le Mali

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La Grande Mosquée de Djenné @Photo Peter Adams/zefa/CORBIS

Depuis le coup d’état du capitaine Sanogo du 22 mars 2012 jusqu’à l’actuelle opération de « reconquête » du pays par l’armée française courant janvier 2013 (lire ce précédent article), le Mali traverse une période sombre et dangereuse, notamment pour son intégrité territoriale, pour la vie et la liberté de ses habitants, pour le contrôle de ses richesses, comme pour la démocratie malienne, laissée une fois de plus en chantier. La population malienne subit depuis plusieurs mois une tragédie dans tout le nord-est du pays (appelé Azawad par les Touaregs), avec l’application brutale de la charia par des milices terroristes islamistes jusqu’alors en position d’occupants. Pourtant les Maliens et les Maliennes vivent depuis toujours dans une tradition de tolérance, apportée par les différentes civilisations qui ont fleuri sur son territoire. Ils sont les héritiers de brillantes cultures à dominante islamique et soufie, mais également animistes, comme celle des Dogons.

Suite à la débâcle des forces rebelles (composée par les Touaregs indépendantistes et des groupes djihadistes, initialement alliés puis ennemis…) face à l’avancée de l’armée franco-malienne, il existe désormais de grands risques d’exactions et de vengeance entre les différentes communautés en fonction de la couleur de la peau, donc un véritable danger que des conflits inter-ethniques se développent.

Néo-colonialisme : captation des richesses et aires d’influences

Les ambiguïtés sont grandes quant aux buts de l’intervention éclair de la France, pays membre de la CEE, agissant pourtant ici seul en tant que gendarme dans une de ses anciennes colonies, appelée alors Soudan français. Élan humaniste non dénué d’intentions économiques, avec la prédation/exploitation des richesses du sous-sol malien (or, coltan, pétrole, gaz, uranium) ; combat vertueux en vue de délivrer le Sahel des forces du mal qui tentent de s’y enraciner, forces constituées de différentes milices islamistes, elles-mêmes issues de la nébuleuse terroriste Al-Qaïda, mais pourtant sur lesquelles l’OTAN et la coalition franco-anglo-américaine se sont appuyés pour destituer/éliminer Kadhafi, et finalement plonger la Libye dans le chaos en octobre 2011… Libye d’où sont justement revenus solidement armés une bonne partie des combattants touaregs, tandis que ces milices islamistes se sont constitué au Mali avec l’arrivée de combattants étrangers, des anciens du GIA algériens mais également d’autres nationalités venues du monde entier – principalement du Maghreb, du Moyen-Orient et d’Asie centrale.

Bref, ce « terrorisme », en pleine expansion et en constante recomposition, qui se justifie par une relecture radicale de l’Islam (mais qui s’appuie aussi sur des trafics en tout genre), serait un poison pour certains pays mais bon, voire nécessaire pour d’autres… Un peu alambiqué comme justification de l’ingérence des puissances occidentales dans cette partie du monde, c’est à en perdre le nord ! Écoutons à ce sujet l’analyse intéressante de Michel Collon sur le plateau de Ce soir ou jamais de Frédéric Taddaï, sur France 3 :

Cet extrait dure un peu plus de 6 mn et mérite vraiment l’attention ! Ci-dessous, une carte du Mali avec ses principales richesses souterraines, dont certaines encore inexploitées :

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La musique calme les mœurs et soulage les âmes

Heureusement, Fatoumata Diawara, chanteuse, comédienne et auteur-compositrice-interprète malienne, n’a perdu ni la foi ni l’espoir. Espoir que la paix, la musique et la non-violence puissent aider à régler ce conflit meurtrier. Elle a réuni une quarantaine de chanteurs et chanteuses, musiciens et musiciennes du Mali et d’Afrique dont Amadou & Mariam, Oumou Sangare, Bassekou Kouyate, Vieux Farka Touré, Toumani Diabaté, Khaira Arby, Kasse Mady Diabaté, Tiken Jah Fakoly, Habib Koité et d’autres… Ces artistes ont enregistré ensemble Mali Ko (ci-dessus), une chanson composée par Fatoumata Diawara, qui laisse la liberté à chaque interprète d’improviser dessus. Ce geste artistique n’a pas d’objectif financier, contrairement à ceux inspirés par le Charity Business, né dans les années 1980 (avec le fameux USA for Africa en 1985 et venant en aide à l’Éthiopie alors en pleine famine, ou encore les différentes chansons des Enfoirés pour les Resto du Cœur, de plus en plus sollicités…) puisqu’elle est diffusée depuis plusieurs jours gratuitement et en accès libre sur Youtube, afin de redonner de la voix et de l’espoir au Mali et à tous ses habitants.

Quelle belle initiative ! Enfin une autre musique que celui du bruit des bottes qui rythme la vie de ce pays meurtri depuis des mois, mais aussi l’actualité en France depuis deux semaines. Une ode à la guerre et à la gloire tri-cocorico-colore sur tous les tons et sur de nombreux médias qui, on espère bien, s’arrêtera le plus tôt possible !

Grande Mosquée de Djenné

L’art, l’histoire et le dialogue des cultures étant des dangers pour toutes les formes de politiques extrémistes et inhumaines comme pour toutes les formes d’intolérance et du fanatisme religieux, une partie des mausolées des 333 Saints veillant sur la ville de Tombouctou ont malheureusement été démolis par les rebelles islamistes. Ceux-ci ont également mis le feu, juste avant leur départ précipité de la « Perle du désert » (surnom de Tombouctou) à l’Institut Ahmed-Baba qui contenait des milliers de précieux manuscrits islamiques et pré-islamiques, d’après les sources officielles ; à moins que ces manuscrits n’aient été pillés, comme les trésors archéologiques du musée de Bagdad lors de la « libération » de l’Irak par les GI américains, pour être revendus au marché noir

Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture malienne, également grande figure altermondialiste et féministe, avait lancé une pétition sous la forme d’un texte magnifique fin novembre 2012, demandant instamment qu’une solution pacifique passant par la négociation prévale sur une intervention armée pour libérer le nord du Mali – afin, entre autres raisons, de protéger les femmes, particulièrement exposées aux exactions en période de guerre. Elle n’a malheureusement pas été entendue…

« Il vaut vieux que les chèvres s’entredéchirent que l’hyène vienne les séparer. »

Proverbe africain

On peut constater qu’en France l’information est à sens unique, car quid des avis des intéressés, population, intellectuels du Mali ?… Espérons que la campagne de désinformation qui s’est répandue comme une trainée de poudre dans la majorité des médias alignés en Europe, et qui semble aussi huilée que les opérations militaires en Libye et en Irak (souvenons-nous du mensonge des armes de destruction massive) soit mise en lumière le plus vite possible, par la grâce d’Internet…

Et surtout pourvu que la population malienne ne soit pas la principale victime des « dégâts collatéraux », cynique euphémisme désignant le sacrifice de civils pour des enjeux économiques et stratégiques, sur lesquels ils n’ont déjà plus aucun prise.

FH

tombouctou

Un lien pour aller plus loin dans l’analyse de Michel Collon, si son intervention plus haut vous a intrigué ou convaincu d’un léger hiatus dans le storytelling officiel…

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Un commentaire pour Mali ko, un chant d’espoir pour le Mali

  1. Jeudi 22 octobre 2015 par Jean Morel, sur le site de Radio Nova :
    DES MUSICIENS MALIENS S’OPPOSENT À L’INTERDICTION DE LEUR MUSIQUE
    http://www.novaplanet.com/novamag/50567/des-musiciens-maliens-s-opposent-a-l-interdiction-de-leur-musique

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